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La place Sébastopol : histoire d’une place méditerranéenne

 

Alors qu'un projet de réaménagement de la place Sébastopol est actuellement en cours d'élaboration (la Ville de Marseille a lancé récemment un appel à participation citoyenne), l'occasion est donnée de revenir sur plus d'un siècle et demi d'histoire d'une place emblématique.

 


La place Sébastopol : histoire d’une place méditerranéenne aux origines agricoles

Depuis sa création en 1861, la place Sébastopol a toujours joué un rôle majeur dans la vie de quartier des 4e et 5e arrondissements de Marseille.

 

1860 – 1920 : Sébastopol, un village en pleine expansion

En 1861, sont votés par délibération municipale la réalisation de la place Sébastopol et le prolongement de la rue Fissiaux jusqu'au boulevard Chave. Le nom de Sébastopol renvoie à une ville située en Ukraine dans la province de Crimée au bord de la mer Noire. Il a été choisi en célébration de la victoire des troupes franco-britanniques contre les Russes en 1855.

À cette époque, les quartiers du Camas, Chave ainsi que celui des Quatre Chemins (désormais Cinq-Avenues), déjà urbanisés, contrastent avec les alentours de la place Sébastopol, restés majoritairement agricoles comme la ferme de la Magdeleine et l’exploitation des Marronniers en bordure du Jarret.
La volonté était de relier les deux grandes avenues : Quatre Chemins (actuelle Cinq-Avenues) au boulevard Chave. Il s'agissait de mieux profiler la future rue Sébastopol et le quartier par la réalisation d'une place : la place Sébastopol autour de laquelle toute une vie de quartier allait s’organiser.

De nombreux commerces artisanaux aux devantures traditionnelles, nous rappelant des métiers aujourd’hui disparus, bordent la place. On y installe également un commissariat, stratégiquement positionné à proximité des prisons Chave et Saint-Pierre récemment construites. La place Sébastopol s’anime : on s’y retrouve lors des marchés pour faire ses courses, pour flâner à l’ombre des platanes, autour du pastis frais ou encore lors des nombreuses fêtes de village.

Progressivement, l’urbanisation s’accélère. Profitant de la présence de manufactures, une nouvelle population, majoritairement ouvrière s’installe. Le quartier se dote peu à peu de quelques immeubles côtoyant les maisons traditionnelles marseillaises.

 

1920-1939 : l’affirmation d’un quartier aux portes de la ville

Après la Grande Guerre, le développement se poursuit dans le secteur, les populations affluent massivement, attirées par le confort des logements modernes (eau courante, sanitaires individuels…) et les avantages de ce quartier aux portes de la ville.

De grands chantiers de construction voient le jour, affirmant le caractère urbain de cet ancien village agricole et, dès 1920, les voies de circulation se multiplient pour connecter la place au reste de la ville. L'avenue Foch est tracée en 1931 et relie la gare de la Blancarde au carrefour des Cinq-Avenues. L’apparition d’immeubles modernes de quelques étages remplace rapidement les dernières petites maisons, bastides et terres agricoles restantes. Les platanes structurant la place seront, eux, conservés.

Pour répondre aux besoins de ces nouvelles populations, de nombreux équipements scolaires, sportifs et culturels seront réalisés : l’école Sébastopol (renommée école Abbé de l’Epée) en 1912, le lycée Michelet en 1934, le cinéma Pathé Madeleine en 1938 et, plus tard, le stade Vallier en 1952. 

Par ailleurs, en raison de sa proximité avec les prisons et le commissariat, la place Sébastopol avait également un autre usage plus atypique : elle rassemblait une foule de dizaines de milliers de personnes, venue assister aux exécutions publiques (guillotine) des condamnés à mort. Les riverains excédés n'obtinrent qu’en 1936 la fin de ces exécutions, suite à la fermeture de la prison Chave.

 

1939-1945 : L’organisation de la Résistance

La place Sébastopol a joué un rôle précieux, souvent méconnu, pendant la Seconde Guerre mondiale.

Une loi de 1938 organise la Défense Passive : l’ensemble de la population, y compris les femmes, est mobilisé pour protéger la population civile des bombardements aériens. Les sous-sols et réseaux souterrains de la place Sébastopol étaient ainsi réquisitionnés pour servir d’abri à la population tandis que les particuliers étaient invités à construire des abris en sous-terrains dans leurs caves et jardins.

Pour faire face à la pénurie des denrées alimentaires, on instaure (depuis 1939) les fameux "jours sans" (du lundi au mercredi) où la consommation de viande était interdite. Des tickets de rationnement alimentaires sont mis en place successivement à partir de 1940. Dans ce contexte, les terrains en friche du futur stade Vallier, organisés en jardins familiaux ont joué un rôle majeur pour lutter contre la famine par la production de légumes frais, une denrée devenue rare en temps de guerre.

Sous la pression allemande, la prison Chave a été rouverte durant la guerre (bien que fermée depuis 1936) et de nombreux résistants marseillais y étaient internés. Le lycée Michelet a été réquisitionné par les Allemands pour instaurer le Service du Travail Obligatoire. De nombreux lieux d’organisation de la Résistance étaient dissimulés dans les quartiers Cinq-Avenues et Chave et ont servi plusieurs opérations civiles et militaires (faux papier, sabotage…). Le “Groupe Franc des Mouvements Unis de la Résistance de Marseille”, a notamment permis en 1944, l’évasion de douze détenus internés dans cette prison.

Le 27 mai 1944, Marseille est endeuillée par plusieurs bombardements américains visant le chemin de fer de la gare Saint-Charles à la gare de La Blancarde. En plus des près de 2 000 morts, ils ont entraîné des destructions considérables sur des milliers de bâtiments publics et privés. La ligne mythique du tramway 68 reliant le Vieux-Port à La Blancarde a été arrachée, et les quartiers Cinq-Avenues, Chave et Saint-Pierre ont été également touchés.

À la Libération, le 27 août 1944 et lors de la célébration de la Victoire le 8 mai 1945, la place Sébastopol a été un lieu de rassemblement de multiples bals populaires. Les troupes algériennes et marocaines ont également trouvé refuge près de la place Sébastopol, avant de se diriger vers la Canebière, Castellane et Saint-Charles.

 

À partir de 1945 : La reconstruction et l'intégration au centre-ville

Après-guerre, l'évolution démographique du quartier est en constante augmentation, les derniers espaces vides laissent la place à de nouveaux immeubles d’habitations tout comme les anciennes manufactures et entrepôts. De nouveaux immeubles de plus grande hauteur conduisent à un habitat dense et groupé. 45 % des logements du 4e arrondissement ont, en effet, été construits entre 1945 et 1979 (Source : INSEE).

Les habitudes reprennent sur et aux alentours de la place Sébastopol : un marché provençal est désormais présent quotidiennement sur la place et les promenades vers le Parc Longchamp et le jardin zoologique reprennent. Des commerces plus modernes s'installent, la prison Chave laisse place à de nouveaux groupes scolaires et la Caisse Régionale d’Assurance Maladie et le commissariat est remplacé par la mairie du 3e secteur.

Le réseau de transports en commun marseillais, progressivement équipé en trolleybus à partir de 1942, permet de desservir la place Sébastopol par la ligne 80 "Place Sébastopol-Endoume". Dès 1977, le quartier des Cinq-Avenues sera desservi par la ligne de métro 1 allant initialement de la Rose jusqu'à la gare Saint-Charles.

À partir de 1980, les quartiers Chave et Cinq-Avenues s'intègrent progressivement au centre-ville de Marseille grâce à la proximité permise par les voies routières et les transports en communs. L’ouverture des lignes de tramway T1 et T2 en 2007 permit d'accroître la desserte de la place Sébastopol, située à environ 5 minutes à pied de ces tramways  et à moins de 10 minutes du Métro Cinq-Avenues Longchamp.

Le nom de Sébastopol n’ayant pas été retenu dans le nouveau découpage administratif de 1946, la place Sébastopol se situe à l’extrémité sud du quartier des Cinq-Avenues au Nnord du quartier Camas. Elle fait ainsi le lien entre le 4e et le 5e arrondissement de Marseille, grâce à la présence de services de qualité : marché, cafés et restaurants, et commerces emblématiques.


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