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Salim Hatubou : le passeur de mémoire

À Saint Antoine, la toute nouvelle médiathèque (ouverte le 20 octobre dernier) porte le nom de Salim Hatubou.
Juste retour des choses pour cet écrivain qui fut la mémoire du quartier de la Solidarité (15e) mais aussi de la communauté comorienne dont il était issu.

Le 31 mars 2021 marquera l'anniversaire de sa mort survenue prématurément en 2015, à 42 ans seulement, laissant un grand vide dans le paysage littéraire et artistique tout autant que dans son quartier.
Cet anniversaire est l'occasion de revenir sur le parcours remarquable et l'engagement de Salim Hatubou pour de dignes causes et son œuvre littéraire et poétique exceptionnelle.
Véritable figure culturelle du 15e arrondissement où il a grandi, il y était reconnu par tous et fait figure de référence et de modèle pour de nombreux jeunes Marseillais.

 

Les Comores : là où tout a commencé...

Né le 20 juin 1972 à Hahaya, en Grande Comore, le petit Salim se familiarise avec les livres dans sa maison natale, à une époque où il était rare d’en posséder. 

Orphelin de mère à l'âge de trois ans, c'est auprès de sa grand-mère maternelle qu'il découvre les contes de la tradition orale lors de veillées dans le village de brousse où elle vivait.
Par sa verve et son verbe, cette vieille femme éblouissait son auditoire et tout particulièrement son petit-fils. C'est alors que se noue le destin du petit Salim : il sera conteur comme sa grand-mère. À la différence qu'il transcrira cet héritage culturel oral – venu de l'enfance –  à l'écrit.
Plus tard et durant une quinzaine d'années, Salim Hatubou sillonnera les Comores pour y recueillir, à la source, les contes traditionnels de l'archipel auprès des personnes âgées détentrices de ces richesses.

 

Chantre de la tradition orale comorienne

Arrivé à Marseille en 1982, à l'âge de 10 ans, Salim Hatubou grandit dans les quartiers Nord, où  – nostalgique de son enfance comorienne, de ses contes et légendes – il se met à écrire, à l’adolescence, des nouvelles ou des articles bientôt repris dans différents magazines et journaux.
En 1994, alors qu'il est âgé de 22 ans, les Éditions L’Harmattan publient son premier ouvrage, un recueil de contes qu’il intitule naturellement "Contes de ma grand-mère", d’après ces histoires entendues et assimilées dès son plus jeune âge.

Outre ses contes, ses romans et ses poèmes feront de lui l'un des pionniers de la littérature comorienne d'expression française.

Au-delà du travail d'écriture, il revêtira lui-même l'habit de conteur dans les écoles, les bibliothèques, les festivals, en France ou à l'étranger, portant la culture comorienne mais aussi celle de la ville de son enfance, Marseille. Il animera également des ateliers d'écriture.

L’écriture est le mode d’expression qu’il a choisi pour revendiquer ses origines avec comme devise, en arrière-fond, "Sache d’où tu viens, tu sauras toujours où tu vas".
Ainsi, les dénominateurs communs de l'ensemble de son oeuvre demeurent l'identité et la mémoire.

Ses ouvrages (contes, romans, recueils de poésie, albums pour la jeunesse, essai...) sont aujourd'hui étudiés dans les écoles françaises et comoriennes.

Auteur engagé, il s'opposera notamment aux mariages arrangés aux Comores, soulèvera la question de la "balkanisation" de l'archipel ou témoignera des relations tendues entre les Comores et l'île voisine de Mayotte.

 

La mémoire des cités La Solidarité et Kallisté

Lors de la réhabilitation des cités La Solidarité (où il a grandi) et Kallisté, il effectue – en compagnie d'un photographe et d'un auteur-compositeur – un travail de mémoire auprès des habitants pendant deux ans (2009 et 2010).

Ce travail a donné lieu à un ouvrage (avec un CD et une exposition) intitulé "Solidarité & Kallisté : que sont nos cités devenues ?"

Il a également coécrit et interprété (avec Damir Ben Ali), "Kara' ou le destin conté d’un guerrier", un feuilleton de 8 épisodes sur une épopée comorienne. Un texte qui sera mis en scène et joué à Marseille dans le cadre de "Marseille Capitale européenne de la Culture" en 2013.

 

La médiathèque Salim-Hatubou

Salim Hatubou portait un intérêt particulier aux bibliothèques et à leur vocation éducative. La Ville de Marseille tenait à lui rendre l'hommage qu'il mérite en donnant son nom à ce nouvel équipement culturel au coeur du quartier de son enfance.
Symboliquement, le premier ouvrage déposé à la médiathèque Salim-Hatubou fut "Les contes de ma grand-mère". Une manière de boucler la boucle pour refermer le "roman" de sa vie... Salim Hatubou n'est plus mais sa mémoire et ses livres, eux, sont plus vivants que jamais. Parfois drôles ("Marâtre", "Un conteur dans ma cité"…), parfois graves (trilogie "Métro Bougainville", "De cette terre…", "Comores-Zanzibar"…), c'est le moment de les (re)découvrir !