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Vie et mort d’une étoile filante du music-hall : Gaby Deslys

Gaby Deslys, première star du music-hall, est née à Marseille à la fin du XIXe siècle (le 4 novembre 1881 plus exactement).

Elle légua à la ville sa "Villa Maud", devenue la "Villa Gaby". Préservée, elle abrite aujourd’hui un centre dédié aux congrès médicaux.

Retour sur le parcours exceptionnel d’une femme libre, témoin d’une époque fascinante.

C’est l’histoire d’une petite marseillaise, fille d’un riche négociant, incarnation d’une de ces fortunes locales du milieu du XIXe siècle, à l’époque où Marseille vit pleinement l’essor industriel. Une de ces jeunes filles issues de la grande bourgeoisie placide de province qui aurait pu se contenter de jouir de la fortune familiale... Mais le destin en avait décidé autrement.

Marie-Élise Gabrielle Caire naît le 4 novembre 1881 au 63 de la rue de la Rotonde, dans le 1er arrondissement de Marseille. Son père, Marie-Victor Hippolyte Caire, est un négociant en tissu prospère. Après un passage dans une institution religieuse, elle suit les cours du Conservatoire de Marseille où elle remporte un premier prix de solfège et un deuxième prix de chant. Mais déjà Marseille semble trop petite : en 1900, à tout juste 19 ans, elle décide de tenter sa chance dans la capitale.
Premier grand départ et peut-être premier scandale, car c’est en compagnie d’un "ami" le journaliste et écrivain Jean Samat - alias Jean-Toussaint Samat ou Jean-Marie Le Coudrier, fondateur du journal Le Petit Marseillais - qu’elle quitte sa ville natale.
 

Les débuts parisiens

Sur les conseils de Marie-Thérèse Kolb, une actrice plus âgée, la jeune Marie-Élise Gabrielle Caire s’empresse de troquer son patronyme contre celui de Gaby Deslys, plus moderne, plus facile à retenir, un véritable nom de scène.

Elle débute dans de petits théâtres, tout en suivant des cours de danse et de chant. Le Parisiana, puis L’Olympia  l’accueillent et après eux, Le Moulin Rouge.
C’est l’âge d’or de la revue.


L’ascension internationale

Encore une fois, Gaby Deslys manifeste des appétits d’horizons lointains : en 1906, elle se produit à Londres où elle rencontre très vite un immense succès.

De retour à Paris en 1907, elle acquiert un hôtel particulier au 3, rue de Henri-de-Bornier. La même année, elle se produit au Moulin Rouge dans un spectacle de revue intitulé Son altesse l’amour.
Titre prédestiné ? Gaby entame en effet une liaison passionnée avec le roi du Portugal venu l’applaudir, son Altesse Manuel de Bragance. La relation fait scandale, les amants se séparent en 1910. À Paris, elle croise le tout jeune Maurice Chevalier, enchaîne les rôles et part pour une tournée triomphale aux États-Unis. Elle y rencontre le chorégraphe Harry Pilcer, qui devient son partenaire, à la scène et dans la vie…

Liberté de vivre, de jouer, de chanter, de danser, d’oser les costumes les plus extravagants pour mieux enchanter un public médusé. Gaby se permet tout : découvrir ses jambes, décolleter sa poitrine, porter des jupons empesés puis revêtir des combinaisons collantes couleur chair qui laissent croire qu’elle est nue, comme dans La Danse de l’Ours, en 1912. Elle évolue et virevolte sur scène dans des tenues qui pèsent parfois bien plus de dix kilos : perles, plumes, turbans, paillettes et riches étoffes…
 

Une femme en prise avec son temps

Durant les années 1914-1917, Gaby voyage et se produit toujours, surtout en Angleterre et aux États-Unis.

De retour au Casino de Paris en 1917, Gaby inaugure la scénographie de la fameuse "descente d’escalier" sans savoir qu’elle sera utilisée par de grands artistes, Mistinguett et encore plus tard, Line Renaud.

Autres temps, autres mœurs : la fin de la guerre sonne définitivement le glas de la Belle Époque.

Gaby, une fois de plus, prend le train en marche : adieu plumes, paillettes et lourds costumes, bonjour les débuts du "jazz-band" notamment avec les frères de son ami et partenaire Harry Pilcer, avec un spectacle intitulé Laissez-les tomber


Retour à Marseille

En 1918, Gaby apprend une mauvaise nouvelle : ce qu’elle croyait être une bronchite mal soignée suite à un rythme épuisant de tournées n’est autre que la tuberculose. Certains biographes parlent eux de "pleurésie purulente".

Alertée par son état, elle décide d’acquérir une grande propriété sise sur l’actuelle Corniche Kennedy, pour y mettre à l’abri sa mère, avec qui elle a toujours entretenu des liens forts, malgré la distance, malgré l’incompréhension. Pour la somme de 500 000 francs, Gaby acquiert une grande villa face à la mer, vendue par un industriel Jean-Baptiste Ribaudo, sise à l’actuel 299 Corniche Kennedy.

Elle se produit une dernière fois au théâtre du Châtelet (actuel emplacement du cinéma fermé depuis 2007, Le Capitole).

Gaby laisse une trace persistante aux États-Unis, notamment au travers de danses très rythmées par le tout jeune jazz, comme la danse Gaby Glide, qui connaît un grand succès.

Gaby très malade revient à Paris où elle s’éteint, le 11 février 1920. Son corps est rapatrié à Marseille et inhumé au cimetière Saint-Pierre, lors d’une cérémonie à laquelle assiste Siméon Flaissières, maire de Marseille. Sa tombe est ornée d’un médaillon sculpté par Louis Botinelly.

Conformément à ses voeux, la grande villa blanche, construite face à la mer, devient un hôpital d’enfants. En outre, Gaby lègue à la Ville de Marseille une importante somme d’argent.
 

L’héritage

La villa est devenue propriété de l'Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM), depuis les années 50 et une résidence pour les invités de prestige de l'Institution. L'AP-HM a décidé en 2015, suite à un appel d’offre, de déléguer ce bien et d'en confier la gestion à la société MCO Congrès, agence spécialisée dans l'organisation de congrès médicaux, qui s'investit dans la rénovation du site et dans le développement d'un Centre de promotion de la médecine et de la science.

L’esprit de Gaby Deslys, une artiste rebelle mais intimement attachée à sa ville d’origine se perpétue au travers de ce bâtiment, devenu un reflet emblématique de l’excellence médicale marseillaise et de sa capacité d’accueil de compétences venues d’ailleurs.