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Honoré Daumier : illustre enfant de Marseille et précurseur de la caricature politique

Le 26 février 1808 naissait Honoré Daumier à Marseille. Artiste de génie, caricaturiste tout autant que peintre et sculpteur hors normes. Ses œuvres commentaient la vie sociale et politique en France au XIXe siècle.
Dessinateur prolifique, auteur de plus de quatre mille lithographies, il est surtout connu pour ses caricatures d'hommes politiques et ses satires du comportement de ses compatriotes. Il a changé la perception sur l'art de la caricature politique.

La bibliothèque de l'Alcazar et les musées de Marseille conservent plus de trois mille œuvres de Daumier : lithographies, dessins, sculptures et peinture.

 

Le départ de la famille pour Paris


Jean-Baptiste, le père d’Honoré, avait une passion pour l’écriture, plus particulièrement pour la poésie et le théâtre. La légende veut que c’est pour tenter sa chance dans le monde des lettres qu’il quitta Marseille en 1814 pour s’installer à Paris où sa famille le rejoignit deux ans plus tard. Cette décision allait décider du destin de son fils. Le succès littéraire et financier n’étant pas venu à sa rencontre, Jean-Baptiste Daumier ne souhaita pas voir son enfant s’engager dans les incertitudes d’une carrière artistique.
 

Premiers dessins, premières lithographies


À 12 ans, il le fit alors rentrer chez un huissier comme garçon de courses. Ce fut le premier contact d’Honoré avec le monde de la Justice, qui devait devenir plus tard l’une de ses cibles favorites. Un an plus tard, le jeune Daumier travaillait chez un libraire et commençait à dessiner. Un ami de son père, Alexandre Lenoir, créateur du musée des monuments français pendant la Révolution, remarque les dons de l’enfant et lui offre ses premières leçons de dessin. En  1823, le jeune Daumier s’inscrit aux cours de dessins de l’Académie Suisse.
Dès cette époque, il réalise ses premières lithographies. Cette technique de gravure qui permet un trait d’une grande liberté en dessinant à l’encre directement sur la pierre sur laquelle le papier sera pressé, prend alors son essor et révolutionne l’image de presse.

 

De l’humour à la caricature


En 1830, Daumier a 22 ans et fait la connaissance de Charles Philippon, figure haute en couleur de la presse satyrique parisienne qui lui offre la possibilité de déployer librement son génie dans les journaux qu’il fonde, la Silhouette, de la Caricature et le Charivari.
Daumier ne s’en privera pas et son humour impitoyable lui vaudra rapidement bien des déboires. En 1832, le dessin représentant le roi Louis-Philippe en Gargantua avalant l’argent du peuple pour le déféquer en titres et nominations, va lui coûter 6 mois de prison et 500 francs d’amende. Cela ne le découragera pas et, à sa libération, il continuera dans la même voie, seule la loi sur la censure de la presse de 1835 mettra un terme, pour un temps, à ses caricatures politiques.
Il se consacrera alors à des caricatures sociales, se moquant avec un humour tout aussi destructeur, des mœurs du temps et des  mesquineries de la vie bourgeoise.

 

De sculptures en peintures


C’est sous la monarchie de Juillet que Daumier commence à s’intéresser à la sculpture. Il modèle dans la terre une série de bustes caricaturaux des personnalités politiques de son temps, qui lui serviront de modèles pour les lithographies qui paraissent dans la presse. Ces bustes en terre crue, les Célébrités du Juste Milieu, conservés aujourd’hui au musée d’Orsay, seront fondus en bronze au XXe siècle.
En 1848, la deuxième République ayant ouvert au plus grand nombre la possibilité d’exposer au salon, l’évènement annuel le plus important de la vie artistique parisienne au XIXe siècle, Daumier peut y présenter pendant trois années consécutives, des peintures. Cet aspect de son art sera pourtant longtemps méconnu, sauf par de rares privilégiés. La redécouverte de l’importance et de l’étonnante modernité de ses peintures ne se fera que progressivement.
Aujourd’hui, Daumier est pourtant considéré comme l'un des plus grands peintres de son temps.

L’avènement du second Empire et le contrôle exercé sur la presse, le limitent au domaine de la caricature sociale. Il garde néanmoins une impressionnante activité : au cours de sa vie, il aura produit plus de 4 000 lithographies. Pourtant, ses conditions matérielles resteront toujours précaires.

C’est le peintre Corot, qui se porte souvent au secours de ses confrères nécessiteux, qui lui prête en 1865 une maison à Valmondois, dans laquelle Daumier installe son atelier et où il décèdera en 1879.

À sa mort, Daumier n’est connu du grand public que par ses lithographies. Seuls quelques amis, artistes ou amateurs, connaissent la dimension de son génie, et l’étendue de son travail de peintre, dessinateur et sculpteur.

 

Daumier et Marseille


Marseille va prendre conscience de l’importance de cet artiste, né tout près du Vieux-Port.

En 1896, la municipalité achète pour le Musée des Beaux-Arts, une première œuvre de Daumier, le bronze du Ratapoil, figure de l’agent électoral bonapartiste, qu’il avait inventé sous la deuxième République.
En 1938, ce sont plus de 1 800 lithographies qui sont achetées pour le Musée des Beaux-Arts au sculpteur marseillais Paul Gonzalès.
En 1948, pour la réouverture du musée après la guerre, la municipalité partage avec l’État l’achat d’un tirage en bronze de la  série des 36 bustes des Célébrités du juste milieu.  
En 1987, une des rares peintures de Daumier encore sur le marché est achetée, Don Quichotte et Sancho Pança.

Aujourd’hui, les musées de Marseille conservent près de 2 000 œuvres de Daumier, lithographies, dessins, sculptures et peinture. Des œuvres de Daumier sont également conservées dans les fonds prestigieux de la bibliothèque de l’Alcazar : prés de 1 500 lithographies, plus de 400 ouvrages intègrent les collections de la bibliothèque, par l’acquisition du fonds Jean Cherpin, grand spécialiste de l’artiste, en 1988.

Daumier a laissé son nom et son image dans la ville, une rue et un lycée du 8e arrondissement portent son nom ; son buste sculpté par Antoine Bourdelle trône devant l’Hôtel Dieu InterContinental Marseille. Marseille a su rendre hommage au génie d’un de ses plus illustres enfants.

 

Galerie photos




Légende photo
- panoramique et vignette : (AMM): Auteur : A. Crass, titre : Honoré Daumier ; côte : 79 Fi 148

- Photo 1 : Ratapoil - ©Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / Almodovar-Vialle
- Photo 2 : Buste d’Hippolyte Lucas - ©Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / image des musées de la Ville de Marseille

- Photo 3 : Gravure parue dans le Charivari le 23 septembre 1865 - ©Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / image des musées de la Ville de Marseille
- Photo 4 : Don Quichotte et Sancho Pança - ©Ville de Marseille, Dist. RMN-Grand Palais / Jean Bernard
- Photo 5 : Statue Honoré Daumier au pied de l'Hôtel Dieu Intercontinental Marseille