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Marius Petipa : le Père du ballet classique

On célébrera le 11 mars l’anniversaire de la naissance de Marius Petipa (1818-1910), danseur, maître et chorégraphe, considéré comme le Père du ballet russe. Sa carrière de danseur et chorégraphe à Saint-Pétersbourg lui permit de créer de très nombreux ballets dont beaucoup sont aujourd’hui mondialement reconnus comme des chefs-d’œuvre, tels que "Le Lac des Cygnes", "La Belle au bois dormant", "La Bayadère", "Raymonda" ou encore "Don Quichotte".

"La danse est la rencontre de trois émotions et leur dépassement : émotion du corps dompté qui se libère et rejoint l’âme, émotion du geste qui se transforme en poésie, émotion de l’allure qui fait sortir l’interprète de sa corporéité pour devenir l’expression de l’idée".
Marius Petipa
 

Une famille d’artistes

Marius (Alphonse Victor) Petipa est né à Marseille, rue Dumarsais, le 11 mars 1818. Son père, Jean-Antoine Petipa, était maître de ballet à l’opéra local après avoir exercé le même métier au sein de plusieurs théâtres, parmi lesquels le Théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, et le prestigieux Théâtre de la Porte Saint-Martin à Paris. Sa mère, Victorine Grassau, était tragédienne, et son frère aîné Lucien, futur Danseur Étoile à l’Opéra de Paris, aura l’honneur historique d’être le premier interprète du rôle d’Albrecht dans le ballet  "Giselle".

Le jeune Marius commence la danse à sept ans, et en même temps étudie le solfège et le violon au Conservatoire de Bruxelles.

Il débute au Théâtre de la Monnaie dans "La Dansomanie", ballet chorégraphié par son père en 1827 d’après l'oeuvre originale de Pierre Gardel mise en musique de Méhul (14 juin 1800).  Il quitte Bruxelles en 1835 et travaille comme danseur et chorégraphe à Bordeaux (1834), Nantes (1838) où il est nommé danseur étoile, New-York (1839) où il danse à Broadway le rôle principal de "Jocko, le Singe du Brésil", un ballet très populaire à l’époque (1839) et Madrid (1843) où il reste quatre ans en tant que chorégraphe pour la Compagnie du Théatre du Cirque.
En 1846, il doit quitter précipitamment l’Espagne à la suite d’une provocation en duel d'un aristocrate dont il avait courtisé l’épouse.

Après un bref retour à Paris, il est invité en 1847 à Saint-Petersbourg en tant que premier danseur pour un contrat d’un an. C’est ainsi que commence une longue et brillante aventure russe qui durera près de soixante années.
 

Le triomphe à Saint-Pétersbourg

Son activité de chorégraphe commence peu après son arrivée en Russie : il remonte "Paquita", ballet de Joseph Mazilier qu’il avait dansé lui-même auparavant.

En 1862, il réalise son premier grand ballet : "La Fille du Pharaon", sur une musique de Cesare Pugni. Le succès de cette œuvre  lance la carrière ultérieure de Petipa, qui devient chorégraphe en chef du Théâtre Imperial de Saint-Pétersbourg.

Lorsqu’il crée un ballet, il choisit la musique avec soin et respecte scrupuleusement les partitions des compositeurs, d’abord Cesare Pugni, ensuite Ludwig Minkus, Riccardo Drigo, Glazounov et surtout Tchaikowski. C’est en 1886 que commence la fructueuse collaboration avec ce dernier, qui produira des chefs-d’œuvre tels que "La Belle au bois dormant" (1890) et "Le Lac des Cygnes" (1895).

Les années 1880 et 1890 son considérées comme "l’âge d’or du ballet russe", aussi bien du point de vue de la qualité des ballets créés que des danseurs d’exception qui les ont interprétés, comme Pierina Legnani, Olga Preobrajenska, Nikolaïi et Sergeï Legat, Matilda Kchessinska et Enrico Cecchetti.
 

La méthode Petipa

Il conçoit des ballets de 3 ou 4 actes avec une distribution nombreuse où le corps de ballet met en valeur les solistes dont la "prima ballerina".

Il développe l’art de l’intrigue romantique, mêlant ballet d’action, pantomime, danses de caractère issues du folklore traditionnel (espagnol, polonais, russe) à tel point que ses créations se retrouvent dans les répertoires des grandes compagnies classiques de par le monde.

On lui doit la structure du "pas de deux" en 4 parties : adage, variation masculine, puis féminine et code.

À partir de 1891, toutes les créations de Petipa sont notées selon la méthode élaborée par Vladimir Stepanov (*) et sont encore consultables dans des collections spécifiques. 

Petipa l'adapte également à l’évolution de la technique du ballet, des œuvres d’autres chorégraphes plus anciens, comme Jean Dauberval (La Fille Mal Gardée), Philippe Taglioni (La Sylphide), Joseph Mazilier (Paquita en 1881 et Le Corsaire en 1899), et Arthur Saint-Léon (Coppélia en 1884). Il monte enfin plusieurs versions de "Giselle" en 1884, 1887 et 1899, lui donnant la structure que l’on connaît aujourd’hui.

L’arrivée d’un nouveau directeur au Théâtre Impérial en 1901, le tristement célèbre Teliakovski, pousse Petipa vers la retraite, qu’il prendra en 1904 après avoir subi l’échec de son dernier ballet "Le Miroir Magique", fruit d’une cabale organisée par le même Teliakovski. Il rédige ses "Mémoires" et s’éteint le 14juillet 1910 en Gurzuf (Crimée), à l’âge de 92 ans.

Au total, il signa 75 ballets, dont nombreuses révisions d’autres chorégraphies, et composa des danses pour 37 opéras.
 

Marius Petipa : un chorégraphe novateur

Les innovations apportées par Marius Petipa ont contribué à faire évoluer la danse classique vers la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Il développe le ballet à grand spectacle, composé de trois ou quatre actes et où l’ensemble du corps de ballet est présent sur scène.

Lors de la première de "La Bayadère" le 4 février 1877, il n’hésite pas à montrer son danseur étoile à dos d’éléphant et à exhiber un tigre sur scène (les animaux étaient factices).

Si les séquences dansées alternent avec des scènes de pantomimes, Petipa n’en accroît pas moins la technicité des variations des solistes. On peut citer à cet égard l’impressionnante série de 32 fouettés introduites dans le ballet "Cendrillon" en 1893, qui sont devenus traditionnels pour le personnage d’Odile au troisième acte du "Lac des Cygnes".
 

Une reconnaissance tardive en France

Malgré l’immense renommée dont jouit Marius Petipa dans tout le monde et la vénération dont il fait l’objet en Russie, son œuvre a été ignoré pendant longtemps dans son pays natal.

On a pu voir des extraits  de certains de ses ballets ("Le Lac des Cygnes" et "La Belle au bois dormant") par les Ballets russes de Diaghilev, ainsi que dans un spectacle organisé par Serge Lifar. Puis les tournées en Europe du Bolshoi et du Kirov dans la seconde moitié des années 1950 font connaître des extraits de "La Bayadère", "Don Quichotte", "Le Corsaire" et "Raymonda".

Enfin, l’action de Rudolph Noureïev a été décisive pour faire connaître l’œuvre de Petipa en France. S’insurgeant devant l’oubli du Maître dans son pays natal, NoureÏev se donne pour mission de transmettre les œuvres de Petipa dont il a interprété les grands rôles au Kirov. 

Tout d’abord, il monte sa version personnelle de "Don Quichotte" à l’Opéra de Marseille en 1971 (création en France), puis en tant que Directeur du Ballet de l’Opéra de Paris il produit six grands ballets de Petipa : "Raymonda" (1983), "Le Lac des Cygnes" (1984), "Casse-Noisette" (1985), "La Belle au bois dormant" (1989), "Don Quichotte" (1983) et "La Bayadère" (1992) voient à nouveau le jour dans une version qui réduit la part de la pantomime et développe les rôles masculins. Ce sont ces versions celles que nous pouvons encore voir aujourd’hui sur la scène de l’Opéra de Paris.

À Marseille, le Directeur du Ballet de l’opéra municipal, Pedro Consuegra, a oeuvré à faire revivre les ballets de Petipa en proposant au public "Le Lac des Cygnes" en 1974, "Giselle" en 1975,  "Paquita" en 1976, "Don Quichotte" en 1977, "Les Millions d’Arlequin" (1980), "La Bayadère" (1983), "La Belle au bois dormant" (1975) et "Raymonda" (1976).

(*) Après avoir étudié l’anatomie à l’université de sa ville natale, il conçoit son propre système de notation du mouvement, basé sur la notation musicale, qu’il publie en 1892 à Paris sous le titre d’Alphabet des mouvements du corps humain.