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Pierre Puget, des rues du Panier à la reconnaissance publique

Pierre Puget ! Un nom familier à l’oreille de tous les Marseillais, qu’il s’agisse d’évoquer ou d’arpenter la fameuse artère et le jardin qui portent son nom. Peintre, sculpteur, dessinateur, architecte… Il a laissé dans notre ville et notre mémoire collective, une empreinte indélébile. Mais saviez-vous qu’il est né dans le quartier du Panier ? Qu’il a été surnommé « Le Michel-Ange de la France » ? Que la maison où il vécut rue de Rome, existe toujours ?

Nous revenons aujourd’hui sur le parcours et le fabuleux héritage de cet artiste… 
 

Une enfance marseillaise

Pierre Puget voit le jour à Marseille en 1620 dans une maison au 20 de la rue du Puits, actuelle rue du Petit-Puits, construite par son père, artisan-maçon, fils d’un riche propriétaire terrien. Membre d’une fratrie de neuf enfants au sein d’une famille plutôt aisée, il est orphelin à l’âge de deux ans, lorsque son père décède en chutant d’un échafaudage.

À quatorze ans, sa mère le place en apprentissage chez maître Roman, spécialisé dans la confection du mobilier d’église. Il travaille notamment à la décoration de l'église Saint-Martin, érigée au XIe siècle dans le 1er arrondissement. Elle sera rasée en 1887 dans le cadre de la réalisation de la rue Colbert..
 

Les années italiennes et le retour en France

En 1638, âgé de dix-huit ans, il part pour l’Italie. Il voyage à travers le pays et parvient à Rome où il accompagne le peintre italien Pierre de Cortone qui œuvre à la décoration du palais Barberini. Introduit dans l’atelier d’un sculpteur sur bois, il y développe sa technique.
Très imprégné par la culture italienne, il rentre en France après cinq ans pour veiller sur sa mère, gravement malade. 

En 1645, probablement après le décès de sa mère, Pierre rejoint à Toulon son frère Gaspard qui, de tailleur de pierre, deviendra sculpteur puis architecte. L'amiral Jean Armand de Maillé lui demande de travailler pour l'atelier du maître-sculpteur sur bois Nicolas Levray, chef de l'atelier de décoration à l’arsenal de Toulon : il décore le navire Le Magnifique qui, après la mort de l'amiral, sera rebaptisé La Reine. 

 

Une création continue, malgré les remous de l’Histoire

Lorsque la Fronde (*) éclate, Puget se consacre alors essentiellement à la peinture. Il exécute à la demande, des tableaux et des retables pour des confréries religieuses, des églises paroissiales et des couvents. En 1652, pour le baptistère de la cathédrale de Marseille, il réalise Le baptême de Constantin et Le baptême de Clovis, que nous pouvons admirer aujourd’hui au musée des Beaux-Arts de Marseille !

En 1656, à l’âge de 36 ans; il reçoit la commande d'un balcon pour l’hôtel de ville de Toulon. L'originalité et la puissance des deux atlantes qui supportent le balcon, lui assure une renommée immédiate. 

Sa réputation de sculpteur s’étend jusqu'à la Cour. Le marquis de Girardin le charge d’orner de statues le parc de son château de Vaudreuil. Nicolas Fouquet (**) le sollicite ensuite pour les sculptures du château de Vaux-le-Vicomte et l'envoie à Gênes choisir les plus beaux marbres de Carrare pour les chantiers de Louis XIV..

 

Séjours italiens, amour du marbre et royales déconvenues

Pierre Puget travaille pour les patriciens de Gênes durant plusieurs années et les oeuvres monumentales en marbre qu'il réalise pour eux l'imposent comme un des plus grands artistes de son temps. .

 Il continue pourtant de peindre : le tableau de "La Sainte famille", conservé au musée des Beaux-Arts de Marseille, date de ces années gênoises. . 

De retour en France, il sculpte à Toulon pour Versailles le Milon de Crotone et le Persée délivrant Andromède aujourd’hui au Louvre. En 1683, il écrit au ministre Louvois en 1683 , en parlant de son travail de sculpteur, la fameuse phrase : « Le marbre tremble devant moi, si grande que soit la pièce»

Ce sont certainement les grands projets urbains prévus à Marseille qui ont motivé son retour dans sa ville natale. Il conçoit une place et une façade majestueuse de palais italien pour le nouvel hôtel de ville mais il devra revoir son ambition à la baisse et le bâtiment qui sera finalement construit, l’actuel hôtel de ville, le sera selon un dessin plus modeste. Puget va  également s’atteler à fournir des plans grandioses pour l’agrandissement de la ville décidé par Louis XIV en 1666. Si les réalités économiques de la fin du règne ne permettront pas la réalisation de la place royale qu’il avait imaginé s’ouvrant sur le port, c’est certainement lui qui conçoit les grandes lignes du cours bordé d’immeubles traités en façades de palais, l’actuel cours Belsunce.  Les bâtiments baroques qui bordent encore aujourd’hui une partie du cours Belsunce et l’angle du  cours Saint-Louis-Canebière, témoignent de la monumentalité de son projet.

 

Une curiosité : la Halle Puget

La Halle Puget - héritière de la Halle aux poissons devenue trop petite - est conçue en 1666. Quel fut le rôle de Pierre Puget dans cet ouvrage ? L’anecdote est ironique : l’édifice en lui-même a été élevé probablement par le maître maçon Pierre Puget, un parfait homonyme ! Pierre Puget a néanmoins certainement participé au projet car il y avait alors à Marseille, peu d’architecte capable d’imaginer cette halle aux allures de temple antique…  

 

La Vieille Charité, un chef-d’œuvre qui traverse les siècles

Durant tout le XVIIe siècle, la peste ravage l’Europe. Il est décidé en 1639 de rassembler « les pauvres et indigents de Marseille » dans un lieu fermé notamment pour contenir la propagation des épidémies : l’hôpital de Notre-Dame de la Charité, sur un terrain mis à la disposition de la ville entre la place des Moulins et la cathédrale de la Major. 

En 1662, un nouvel édit royal de Louis XIV impose dans les villes « l’enfermement des mendiants et vagabonds, mais aussi des aliénés, des filles dépravées, des enfants fugueurs et des femmes que des pères et des maris font enfermer pour correction ».
Les travaux d’agrandissement du site sont confiés à Pierre Puget, architecte du roi.  Des dons privés financent les longs travaux et l’année 1671 voit la pose de la première pierre.  
En 1689, le site est érigé en Hôpital Général sur décision de Louis XIV. ​Plus d'infos sur la Vieille Charité.

Pierre Puget décède en 1694 dans sa bastide dont une partie demeure dans l’actuelle rue Fongate (6e arrondissement). 

Son génie fut reconnu déjà de son vivant et dès le XVIIIe siècle il est surnommé « le Michel-Ange de la France », Au XIXe siècle on fera de lui et du peintre Nicolas Poussin les deux plus grands représentants de l’art français du Grand Siècle. 

Le parcours de cet artiste complet qui signait fièrement «P. Puget Massil. Sculp. Arch. et Pic.», « Pierre Puget, Marseillais, sculpteur, architecte et peintre », comme pour souligner son attachement à sa ville natale, ne peut que susciter l’admiration. Le musée des Beaux-Arts de Marseille  conserve avec le Louvre le plus important ensemble de ses oeuvres dessins, peintures et  sculptures comme le Faune, La Peste de Milan ou le portrait en médaillon de Louis XIV.

 

(*) La Fronde (1648-1653) est une période de troubles graves qui frappent le royaume de France alors en pleine guerre avec l’Espagne (1635-1659), pendant la minorité du roi Louis XIV (1643-1651). Cette période de révoltes marque une brutale réaction face à la montée de l’autorité monarchique en France.

(**) Nicolas Fouquet, marquis de Belle-Île, vicomte de Melun et de Vaux (1615-1680) est un homme d'État français. Procureur général au Parlement de Paris et surintendant des Finances en 1653, il devient l'un des hommes les plus puissants du royaume de France. 
L'influence grandissante de Jean-Baptiste Colbert marque l'arrêt brutal de l'ascension de Fouquet qui est dénoncé par Colbert pour malversations.
Destitué et arrêté sur l'ordre de Louis XIV en 1661, il est condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement hors du royaume. Sa peine est aggravée par le roi en un emprisonnement à vie en la forteresse de Pignerol, où il mourra.