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Marseille, le Street art dans la peau

À Marseille, des rivières de peinture ornent depuis des années les murs de la ville. Signatures, visages, paysages, scènes de vie, hommages… Un livre à ciel ouvert sur l’art urbain, le « street art » est le pouls des artistes de rue dont la renommée, pour certains s’étend bien au-delà des frontières de la cité phocéenne. Véritable fleur sauvage éclose sur le bitume, la brique, le béton, le street art est indissociable du mouvement hip-hop dont Marseille reste l’une des deux capitales hexagonales ! Décryptage.
 

Ça vient de la rue

Tout commence avec une bombe (!) atomique à déflagration puissante et profonde de l’autre côté des eaux froides de l’Atlantique. À la fin des années 60, une poignée d’artistes prend possession des murs de Philadelphie puis de New York et - fait déterminant - du métro new-yorkais. La métropole américaine est en faillite, les services publics en déroute, pauvreté, criminalité et trafics sont en hausse. Des quartiers entiers sont abandonnés, dévastés. Une jeunesse désabusée mais bouillonnante de créativité s’empare de l’espace public. 

L’important ? Peindre sans se faire voir mais être vu par le plus grand nombre. Affiches, wagons du métro, murs… En effet, le graffiti est assimilé à une dégradation de bien public, passible de poursuite. Réalisé dans des lieux « interdits », à la « vandale » il permet à la jeunesse afro-américaine et hispanique de se souder. Les influences sont multiples : bande dessinée, cinéma mais aussi musique. Car simultanément, le rap diffuse ses premières vibrations.
 

Rap, danse, graffiti : même combat

Platines, disques, rythmes nouveaux, textes racontant le quotidien de toute une génération retentissent dans les clubs et font danser les graffeurs américains : le rap est né.

Musique, danse, graffiti : les trois pratiques artistiques sont liées, à New York comme à Marseille comme le rappelle Julien Valnet dans M.A.R.S Histoires et légendes du hip-hop marseillais, premier livre entièrement consacré à l’histoire du hip-hop à Marseille. L’ouvrage s’est imposé comme « La référence qui a posé l’Histoire. Il fallait le faire », sourit DJ Djel, le DJ de la Fonky Family, emblématique groupe marseillais qui imprègne la scène rap des années 90 et 2000…
 

Pulsations et aérosols marseillais

Marseille et New York partagent une alchimie mystérieuse, complexe et dense. Une vraie connexion dès les prémices dans ce que l’on nomme à l’époque « le mouvement ». Les premières cassettes de rap sont fournies aux Dj's des discothèques marseillaises par des marins américains stationnés à Marseille ! Tout infuse en parallèle : musique, danse et graffiti.

Au début des années 90, les aérosols envahissent le centre ville, particulièrement le Cours Julien et le quartier de la Plaine. Les « Black Books » (carnets d’esquisse dans lesquels les graffeurs s’exercent avant la réalisation dans l’espace public) font leur apparition.
La discipline voit émerger ses premiers grands noms et les murs, portes d’immeubles, tunnels se colorent avec obstination malgré un jeu de cache-cache avec les autorités. 
Car il s’agit de composer avec les matières des supports muraux, (portes, fenêtres, devantures de magasin) le mobilier urbain (poteaux, panneaux...) et l’interdit. Tout comme aux États-Unis, l’objectif avoué est aussi de faire sortir l’art des espaces muséaux et des galeries. Hors de ces lieux dédiés, dialoguant avec l’environnement urbain, le street art s’impose peu à peu dans l’opinion comme un art « véritable ».
Les techniques varient selon les artistes : bombes aérosols, pochoirs, affiches...

 

D’hier à aujourd’hui

Explorer, raconter, relater : au début du street art, la ville de Marseille, son énergie, ses frustrations, ses quartiers, ses personnages emblématiques constituent le grand sujet d’inspiration de beaucoup d’artistes locaux de street art, tout comme dans le rap marseillais. 
Politisé, mais pas toujours, le street art local finit par compter autant de variétés de sujets que d’artistes et le marché de l’art s’est lancé dans la mêlée.
Le street art est bel et bien devenu un élément à part entière de la ville…

Petit à petit, les artistes acquièrent une reconnaissance, les premières commandes arrivent : commerçants mais aussi institutions et pouvoirs publics. Citons l’emblématique L2, voie de contournement de la ville, ouverte entre 2016 et 2018.
Sous l’égide de l’association Planète Émergences une cinquantaine d’artistes locaux et internationaux ont laissé parler leur créativité sur les murs gigantesques bordant la voie routière. 40 000 m² d’œuvres réparties sur les 10 kilomètres du tracé, placées au niveau des échangeurs ou sur des installations technique, soit 35 fresques composées pour la plupart d’immenses tableaux…

Et à Marseille, des « street artistes » venus du monde entier viennent pour s’exprimer !
Aujourd’hui encore, le quartier du Cours Julien et le Panier demeurent les deux grands sites plébiscités où s’organisent désormais des Street Art Tours et où les visiteurs se voient offrir des explications détaillées.
Qu’il s’agisse de rester dans un flirt appuyé avec les murs et les lieux interdits ou de s’inscrire dans une démarche plus conventionnelle, chaque artiste décide de son destin.

Car street art signifiait, signifie et signifiera toujours « liberté » pour ses disciples.

Quelques noms parmi tous ceux qui parent les murs de la ville :C 215, Nhobi,  Rémy Uno, PÖ, DIFUZ, Invader, Stéphane Moscato, Ipin, Lartmada-crew PM, Gamo, Easy, Mister P…

 

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