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La restitution de "Pinède, Cassis" d'André Derain à la famille du résistant juif René Gimpel

En ce 27 janvier, Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l'humanité, la Mairie de Marseille a décidé de restituer à la famille de René Gimpel, célèbre marchand d'art juif, le tableau “Pinède, Cassis” du peintre fauviste André Derain, qui figurait depuis 1987, dans les collections du Musée Cantini.

Cette cérémonie publique vient honorer la mémoire de ce résistant de la première heure, né il y a 140 ans et mort en déportation en janvier 1945.
 

René Gimpel : un marchand et un résistant

Né il y a 140 ans, en 1881, dans une famille juive alsacienne athée, René Gimpel entre en résistance avec ses deux fils dès 1940 et la défaite française. Il se réfugie à Marseille et, depuis la Provence et la Côte d’Azur, il assure des transmissions sous couvert de la société "Azur Transport" qu’il finance en zone libre.

Avec Gabrielle Picabia, fille du célèbre peintre, il participe à la fondation du réseau "Gloria", jusqu’à son arrestation en 1942 par Vichy qui l’interne 5 mois au camp de Saint-Sulpice-la-Pointe.

Relâché faute de preuve, René Gimpel continue ses activités contre l’Occupant et la Collaboration, notamment à partir de Monte-Carlo, après une formation à Londres. Il est finalement arrêté et interné en 1944, avant d’être déporté dans le camp de concentration de Neuengamme, où se trouvent de nombreux opposants politiques. Il y meurt d’épuisement, en janvier 1945.
 

L'oeuvre restituée : "Pinède, Cassis" d'André Derain, huile sur toile, 1907

Depuis le 17 juin 1907, André Derain est installé à Cassis, un petit port situé à l'Est de Marseille."C'est d'une douceur de tons, d'odeurs, d'une atmosphère étrange, écrit-il à Vlaminck. Dans ses paysages de Cassis, les bleus et les verts sombres des arbres font ressortir les ocres et les oranges du sol."
Derain tente dans cette oeuvre de rendre la lumière elle-même, pour ainsi dire sans la couleur, à laquelle il substitue le plus fort contraste possible dans l'échelle des valeurs.
Le tranchant des troncs forme autant de silhouettes dont le dessin est perçu pour lui-même, tandis que la couleur reste discrète.
Derain remanie profondément les termes de son approche picturale. Le cerne cloisonné, inspiré par Gauguin à L'Estaque, s'est transformé dans les paysages de Cassis en un tracé directeur, proche du dessin de certains bois gravés de Matisse.
La palette fauve s'est estompée et, dans l'austérité des formes simplifiées aux tons sourds, la composition a acquis une densité et une monumentalité nouvelles.
 

Une décision de la Cour d'appel de Paris

La justice a reconnu que les biens de René Gimpel, résistant durant la Seconde Guerre mondiale et mort en déportation, avaient été spoliés et vendus sous la contrainte durant l’Occupation. Conformément à la décision de la cour d’appel de Paris, l’État et la mairie de Marseille restituent trois tableaux d’André Derain à la famille du collectionneur d’art René Gimpel. Parmi ces œuvres, figure "Pinède, Cassis", acquis en 1987 de bonne foi à un collectionneur marseillais pour le musée Cantini. Les deux autres oeuvres concernées ne se trouvent pas à Marseille.

Cette restitution conforte le nécessaire travail de recherche de provenance des oeuvres ayant circulé pendant les années 1930 et 1940, porté aujourd'hui par les musées de Marseille.