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Missak et Mélinée Manouchian sont entrés au Panthéon

Le square Missak Manouchian de Marseille, situé boulevard Charles Livon, dans le quartier du Pharo, accueille les cérémonies d’hommage au résistant arménien et à son groupe. Il a été restauré et renaturé, et sera l’hôte d’une cérémonie exceptionnelle de commémoration ce 24 février 2024 – partir de 10h45 – trois jours après la panthéonisation du chef du "groupe Manouchian". 

 

 

Missak Manouchian, accompagné de son épouse Mélinée, entre au Panthéon ce 21 février 2024, 80 ans jour pour jour après son exécution sur le Mont-Valérien, avec 21 de ses compagnons. Une entrée par laquelle le résistant arménien amène avec lui, symboliquement, comme l’avait dit Malraux pour Jean Moulin, son "terrible cortège" de combattants étrangers "morts pour la France". Cette panthéonisation est ainsi la reconnaissance du rôle crucial que ces derniers ont joué dans la Résistance française. 

Comme le rappelait l’exposition "Marseille ville refuge" présentée à l’Hôtel de Ville en novembre 2022, c’est par Marseille que sont arrivés en France des milliers de rescapés du génocide perpétré par les autorités ottomanes contre les populations arméniennes pendant la Première Guerre mondiale. Et c’est aussi par Marseille que débarque clandestinement, en 1925, alors qu’il n’a pas encore 20 ans, le jeune Missak Manouchian. Avec son frère, ils sont les deux survivants de la famille. Ils viennent de passer plusieurs années dans un orphelinat au Liban, alors sous protectorat français. 

 

La France, "pays de préférence" 

Formé à la menuiserie, Missak Manouchian travaille dans un premier temps sur les chantiers navals de la Seyne-sur-Mer. Puis il monte à Paris. Il assure sa subsistance et celle de son frère, avant que ce dernier ne meure en 1927, en travaillant comme ouvrier dans les usines Citroën. Dans la capitale, il rencontre des artistes et des intellectuels. Assoiffé de culture, il fréquente les bibliothèques et s’inscrit comme auditeur libre à la Sorbonne. Il écrit des poèmes, traduit Baudelaire, Verlaine et Rimbaud, et fonde une revue littéraire. 
Il suit également les cours de l’université ouvrière de la CGT. Au chômage après la crise des années 1930, il se rapproche du Parti communiste auquel il adhère en 1934. Il s’implique dans le HOK (comité de secours pour l’Arménie, lié au gouvernement soviétique en Arménie), dont il est le rédacteur en chef du journal, et où il fait la rencontre de Mélinée, qu’il épouse en 1937. Militant communiste engagé, il est aussi membre de la section arménienne de la Main-d’œuvre immigrée (MOI), une organisation de type syndical avant de devenir, pendant la guerre, sous le sigle FPT-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre étrangère) un organe de la Résistance par la lutte armée. 

 

"Soldat régulier de l’armée de Libération"

Arrêté dès le 2 septembre 1939, il est relâché grâce à sa volonté de s’engager comme volontaire dans l’Armée française. Après la débâcle et la signature de l’Armistice, il entre dans la clandestinité et devient responsable des FPT-MOI de la région parisienne. Le "groupe Manouchian" réussit plusieurs faits d’armes, dont l’attentat contre le général SS Julius Ritter, qui supervisait l'exécution du Service du Travail Obligatoire en France. Surveillés de près par les Renseignements généraux, 23 membres des FTP-MOI, dont Missak Manouchian, sont arrêtés en novembre 1943 par la police de Vichy, avant d’être torturés et condamnés à mort par un tribunal militaire allemand. Vingt-deux d’entre eux sont fusillés le 21 février 1944. La seule femme du groupe à avoir été arrêtée, Olga Bancic, sera décapitée quelques semaines plus tard en Allemagne. 

 

"L’Armée du crime"

Dans la foulée de leur exécution, les services de propagande allemande créent une affiche rouge censée décrédibiliser la Résistance, placardée en 15 000 exemplaires dans les rues de Paris et d’autres grandes villes françaises. L’affiche, de couleur rouge, insiste sur l'origine étrangère des résistants – ils étaient polonais, hongrois, italiens, espagnols, arméniens – et souligne que la plupart sont juifs. S’il reste difficile de connaître l’impact exact de cette propagande, force est de constater que de nombreux signes de solidarité ont fleuri dans les rues de nos villes.

Dans les années qui suivent, après la guerre, plusieurs poètes, souvent compagnons de route, comme Éluard, Aragon ou Léo Ferré, vont rendre hommage à Missak Manouchian et son groupe, en citant notamment les lettres pleines d’humanité qu’il avait laissées avant de mourir. Ce sont ces lettres qui ont aussi inspiré le réalisateur marseillais Robert Guédiguian, auteur d’un film consacré au groupe Manouchian, l’Armée du crime, sorti en 2009. 

"Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement."  écrivait, dans sa dernière lettre, Missak Manouchian à sa femme Mélinée.