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LA RUE SAINT-FERRÉOL VERS 1930 AU DÉBOUCHÉ DE LA CANEBIÈRE.

Au sud, la destruction en 1794 de l’église Saint-

Ferréol par arrêté de Barras et Fréron, parce qu’elle

avait abrité les assemblées de la 5

e

section fédé-

raliste, dégagea une grande place terminale. Elle

reçut pour décor, entre 1810 et 1818, une statue

colossale de la Paix due à Chinard, puis, à partir

de 1837, la fontaine de la Peste élevée d’abord rue

Paradis par Charles Delacroix.

Une série d’immeubles précédés d’un vaste

espace partiellement arboré, plus tard remplacés

par les imposants bâtiments de la Préfecture (1864-

1868), dressait une barrière définitive à l’extension

de la rue vers le sud. C’est ainsi que, limitée au

cœur même du centre-ville, la rue Saint-Ferréol,

par ses dimensions modestes (500 m de long pour

12 mètres de large), devint une voie cohérente et

uniforme, capable de résumer toutes les opportu-

nités et les vertus de la ville neuve, et d’être l’écrin

des élégances marseillaises.

UN GLORIEUX XIX

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SIÈCLE

Une rue «parisienne» à Marseille

Vers la fin de l’Ancien régime, les commerces de

luxe nemanquaient pas rue Saint-Ferréol : bijoutiers,

orfèvres, doreurs-miroitiers, tapissiers, fabricants

de bas, d’étoffes de couleurs… Ils avaient noms

Allègre, Bellon, Cauvin, Delobre, Marchand, Michel,

Rivaillier, Silvestre, Soutête. Puis vint la Révolution :

la rue porta le nommystérieux de «rue du Niveau».

On n’y trouvait encore que de modestes étalages

comme ceux d’Antoine Jacquinet, maître fourbis-

seur-gainier, marchand d’éventails et de menus

bibelots depuis 1777, d’Hugolin Pacquet, luthier

et marchand de musique, de Bouvet aîné et fils,

bouquinistes, tous très proches de la Canebière.

Au début du XIX

e

siècle, la rue Saint-Ferréol avait

sa part de bourgeois, négociants, banquiers, assu-

reurs, courtiers, notaires ou avocats, conquis par sa

centralité et par sa tranquillité comparée à l’agitation

d’une Canebière envahie par les retombées encom-

brantes du trafic portuaire.

Dans les années 1820-1830, la ville neuve connut

des progrès considérables. Le luxe impérial, qui

avait jadis transformé la capitale, descendait avec

quinze ans de retard sur Marseille jusqu’alors frap-

pée par les graves difficultés portuaires et écono-

miques de l’Empire

(2)

. Apparurent de magnifiques

devantures avec leurs enseignes peintes à l’huile

et vernissées visibles à 500 pas, des commerces

fashionables

avec leurs vitres, leurs vitrines et leurs

glaces polychromes réfléchissant les lumières des

lustres, leurs décors raffinés, leurs meubles venus

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© COLLECTION ANDRÉ BLÈS

NOTES

[2]

Pourtant le marasme économique n’empêcha pas deux ventes aux enchères de plusieurs centaines d’œuvres d’art de se dérouler au 18 rue

Saint-Ferréol les 23 mars et 14 avril 1813 dans une belle salle

«magnifiquement éclairée»

, en soirée, à l’imitation de Paris. Julie Pellizzone en fournit la

liste dans ses

Souvenirs

, T.I, p.327-329 et 488-491, Indigo & Côté-Femmes, 1995.