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et des femmes «de la meilleure compagnie», mais

aussi, désormais, la foule compacte des jeunes

mariés guettant leurs cadeaux de noces, des

familles préparant Noël ou le jour de l’An, bref une

clientèle de tous âges et de toutes conditions à la

recherche du dernier cri de la mode, désormais

accessible à chacun selon sa fortune, s’il fallait en

croire les publicités des premiers grands magasins.

La rue du luxe et de l’élégance

Les métiers d’art et de luxe restaient à l’honneur :

bijoutiers, orfèvres et joailliers, en boutique ou

en étage, marchands de faïences, porcelaines et

cristaux, couteliers, doreurs-miroitiers, marchands

de petits meubles, mais aussi chapeliers, gantiers,

maroquiniers, cordonniers de luxe et chausseurs,

tailleurs et modistes, chemisiers, fourreurs, fabri-

cants de bas, parfumeurs… Pendant deux siècle

et plus, ils allaient remplir les colonnes des

Guides

,

Almanachs

et

Indicateurs marseillais

, tout comme

ils emplissaient les boutiques de la rue Saint-Ferréol.

Quelques noms marquent le XIX

e

siècle et le début

du siècle suivant : la maison Santi pour l’optique,

Papère, quincaillier, bijoutier et marchand d’œuvres

d’art, Bœuf, tapissier, les frères Allard,

«chapeliers

du monde élégant»

, Martorel, diffuseur des cou-

verts Christofle, mais aussi marchand de tapis,

bronzes et orfèvrerie, Le Grand Dépôt, depuis 1878,

succursale marseillaise de

«la première maison de

France pour la table, le dessert, la faïence…»

pour

les porcelaines, faïences et cristaux, Aux mines

de Californie ou La Gerbe d’or pour les bijoux, Au

Pôle Nord, fourreur

«le plus important de province»

(1887-1917), le chausseur

«de luxe et grand luxe»

Cornély-Bonnefoy, Bertrand, maroquinerie fine, Old

England tailor et tant d’autres…

La rue des gourmands

Parmi les établissements vedettes du XIX

e

siècle, le

café Bodoul, ouvert avant la Révolution au n°7, puis

définitivement installé au n°18, vécut des heures

difficiles lors des multiples affrontements politiques

qui traversèrent le siècle. Bonapartiste, il résista

sous la Restauration et, devenu légitimiste, il porta

momentanément le nom de café de la Chambre

des Pairs sous la monarchie de Juillet et fit face à la

concurrence des cafés «chics» de la rue Beauvau.

Plus tard, sous le Second Empire, il survécut à la

vague déferlante de ceux de la Canebière et s’affi-

cha plus tard encore comme un farouche ennemi

de la Troisième République.

L’établissement, situé sur deux plans, rez-de-

chaussée et salon au premier étage, n’avait pour-

tant rien en lui-même de très remarquable, sinon

une clientèle triée sur le volet :

«la fleur des pois de

la société marseillaise»

aux dires d’Horace Bertin.

S’emparant au passage de toutes les modes, il

triompha dans un premier temps par la délicatesse

de ses sorbets, céda à la passion des échecs dans

les années 1840 avec son club du 2

e

étage. Sous

Napoléon III, il abrita tout à la fois la cohorte des

journalistes marseillais et la jeunesse élégante

venue

«à midi, heure du cigare de la Havane»

pour

y causer à haute voix et jouer aux dominos. Sous

la Troisième République, il devint même un mythe

vivant. Pontmartin n’écrivait-il pas de Bodoul en

1885 dans ses

Mémoires : «C’est Tortoni à Paris,

Casati à Lyon, Florian à Venise, Pedrocchi à Padoue.

C’est plus qu’un café, c’est une institution»

. En

1892, le guide

Joanne

présentait Bodoul comme le

«Spécialiste de la bouillabaisse fraîche expédiée en

boîtes en France et à l’étranger. La plus ancienne

maison de Marseille dans son genre

». Le café-

restaurant perdura jusqu’aux premières années

de 1900.

Quelques autres cafés apparurent de temps à autre

le long de la rue Saint-Ferréol, tels, au coin de la

Canebière, le café Napolitain au début du XIX

e

siècle

et le café Napoléon sous le Second Empire. Le café

de Cristal, tenu à la même époque au n°35 par

Martino, brillait par son décor intérieur et recevait

lui aussi un cercle d’échecs. Mais tous furent loin

d’atteindre la célébrité et la longévité de Bodoul.

Dans la première moitié du siècle, le chocolatier

Ferrari et le pâtissier Moullet comptèrent parmi

les boutiques renommées du bas de la rue Saint-

Ferréol. Spécialité développée à Marseille dès

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PUBLICITÉ POUR LE MAGASIN “AU PÔLE NORD” ET LES “CHAUSSURES RAOUL”.

© COLLECTION EMMANUEL LAUGIER