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divans, rocailles. Hostilité, malveillance, jalousie ou

triste réalité, sitôt ouvert, pourtant, la rumeur veut

qu’on y vole les montres et les porte-monnaies et

qu’on y vende les produits plus cher qu’ailleurs…A

l’instar de nos galeries marchandes d’aujourd’hui,

il réunit une série d’enseignes spécialisées : Mme

Lions (articles de mode), Isaac Valich (nouveautés

Au Persan), Carrus (ganterie), Isnard (bureau de

tabac), Salle (chapellerie de Paris, casquettes en

tout genre), plus un bazar de pipes et le Grand

bazar européen…Des attractions viennent parfois

s’y produire, comme en juin 1855 le diorama du

Pont de l’Alma, mais aussi, dans le passage qui

relie la rue Haxo à la rue de la Darse, des «physi-

ciens» et autres bateleurs. Un café anglais s’est

installé au sous-sol, il prendra par la suite le nom

de «Caveau».

En 1860, de Laroque du Mazel quitte son bazar

de la rue Noailles pour ouvrir au Palais de l’indus-

trie, le Bazar de France, une boutique de cadeaux

pour adultes et de jouets nouveaux. Les joujoux

qu’il propose viennent d’Allemagne, d’Angleterre

et de Paris : poupons vagissants, poupées disant

«Papa, Maman», dansant et chantant, singes

mécaniques, petits aérostats dont le «ballon

Nadar», bateaux à vapeur miniature fonctionnant

avec quelques gouttes d’esprit de vin, mais aussi

des jeux instructifs et amusants sur l’histoire et la

géographie. En 1861, et pour quelques années, le

Dépôt Anglais ouvert, presque en face, au n°43-

51, lui fait concurrence pour les étrennes avec

ses jouets, sa maroquinerie, ses porcelaines et

faïences d’importation, mais aussi son jambon

d’York, sa langue fumée d’Ecosse, son saumon

et ses biscuits. En 1866, le Palais de l’Industrie

cède la place au café des 19 billards, puis, on l’a

vu, entre 1868 et 1878, au Cercle Artistique.

Ouverte, elle aussi, en novembre 1854, la Com-

pagnie irlandaise commercialise au n°39 les vête-

ments de luxe : soieries lyonnaises, robes de cour

et robes à volants, châles en cachemire indien et

français, trousseaux de noces. Elle fait pendant

une quinzaine d’années de grandes campagnes

publicitaires dans la presse locale. Elle sera rem-

placée par le magasin de confection des sœurs

Martin (1887), puis par A la dentellière (1910).

En 1851, une nouvelle maison d’indiennes et de

rouenneries s’est installée au n°33 de la rue Saint-

Ferréol, au coin de la rue Pisançon. Elle appartient

aux époux Montus, Menahem et Clarisse, deux

«juifs du Pape», comme on disait alors, établis rue

de l’Académie depuis 1840, à la tête d’une boutique

si prospère qu’au bout d’une dizaine d’années, ils

peuvent accéder à la rue Saint-Ferréol. Leur éta-

blissement est à l’enseigne du Réveil du Lion.

Les Montus s’inspirent de l’expérience parisienne

d’Aristide Boucicaut et de son Bon Marché : prix

fixes, multiplication des rayons et des produits

vendus au plus bas prix possible, reprise des

marchandises

«ayant cessé de plaire»

, à condition

qu’elles n’aient pas été portées…

A la mort du fondateur en 1878, son fils Edmond

décide de transférer le Réveil du Lion, en fran-

chissant la rue Pisançon, du n°33 au 31 rue

Saint-Ferréol, ancien salon de musique de Bois-

selot puis d’Henri Messerer. Il laisse le n°33 au

Grand Dépôt qui ouvre à Marseille, tandis que

les Armes de France s’apprêtaient à s’installer

au n°42, à côté de la maison Loire (n°38) et en

face de Valich (n°41) et de D. Lévi, autres mar-

chands de nouveautés. Le nouveau Réveil du

Lion connaît, entre 1879 et 1884, une fulgurante

croissance, englobant les immeubles voisins des

rues Saint-Ferréol et Pisançon.

Sa façade monumentale parée d’ors, de guir-

landes, d’étendards, de balcons rutilants et de

grandes vitrines, laissait entrevoir un amoncelle-

ment de pièces de draps étagées, de cachemires,

de mérinos, de cheviottes, de molletons, de cre-

tonnes retombant en drapeaux et de coupons de

toutes les couleurs empilés en pyramides. Du plus

humble ruban aux soieries les plus précieuses, le

LE MAGASIN LE RÉVEIL DU LION - MONTUS FILS

© COLLECTION ALAIN BLÈS

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