les années 1770, par les Suisses Ciany, puis par
les Italiens Casati, le chocolat fit la conquête de
la rue Saint-Ferréol grâce à Dominique Ferrari. Le
Journal de Provence
du 27 mars 1790 annonçait
«dès le mois prochain, des glaces de toutes les
qualités, telles qu’on les prend en Italie»
, dans un
café rue Saint-Ferréol, entre le café de Bodoul et la
boutique du modiste Claude Jogand. Son proprié-
taire, Dominique Ferrari, originaire de Florence, où
il avait travaillé dans les meilleures fabriques, avait
fait de longues recherches pour faire le
«véritable
chocolat de santé, excellent au goût, stomachique
et purifié de tout ce que le cacao peut lui donner
de nuisible, vente en gros, en détail, tablettes et
tasses, dans partie de l’ancien local du sieur Bri-
faut cafetier»
. Il proposait dans son minuscule salon
du n°11bis rue Saint-Ferréol et 15 rue Pavillon (qui
contenait difficilement quatre tables de consom-
mation) un chocolat à 5 sous la tasse, quatre fois
moins cher qu’ailleurs. Les cafés voisins n’osant
pas concurrencer ses prix, il fit rapidement fortune
et, au milieu de l’Empire, se retrouva à la tête d’un
établissement sur deux niveaux, spacieux, élégant
et peint à fresque, où une multitude de garçons
servaient dans des coupes d’argent le chocolat et
la bavaroise. Les frères Ferrari poursuivirent leur
affaire sous Louis-Philippe.
Autre célébrité du lieu, François Ignace Moullet,
boulanger, fabricant de biscuits, était réputé pour
ses fameuses «croûtes». Sous le I
er
Empire, il était
le mécène des comédiens amateurs qui donnaient
des concerts ou des pièces de théâtre dans son
magasin transformé en salle de spectacle. En 1824,
il fit de sa «grandiose» devanture du n°7, avec ses
colonnes imitant le porphyre et
une décoration due au peintre
Tite Facetta, l’égale des plus
belles boutiques parisiennes. La
notoriété de ses croûtes atteignit
la capitale, où elles furent même
chantées en 1839 dans
La Visite
domiciliaire
d’Adolphe Poujol.
L’établissement ferma après la
chute du Second Empire.
Entre 1830 et 1900, parmi
d’autres enseignes gourmandes,
on note les chocolatiers Bar-
thélemy Jamolli et Rigozzy, les
confiseurs Santi, Motzy, Jou-
venne et Gleize, Prat fils aîné ou
encore, au n°65, Geler et Buis-
son, suivis à la même adresse
pendant plusieurs décennies par la célèbre maison
du suisse Alfred Linder, lié un temps au confiseur-
pâtissier Plauchut.
Côté restaurants, seul celui du Luxembourg fut,
dans la rue Saint-Ferréol, à même de rivaliser avec
tous ceux qui peuplaient au milieu du siècle les rues
voisines, Vacon, Pavillon ou Paradis… En 1846,
Antoine Parrocel,
«chef de cuisine hors-ligne, génie
de l’art culinaire»
, établi rue Vacon, où il tenait l’hôtel
des Colonies et le restaurant du Luxembourg, vint
s’installer avec ses fils Etienne et Louis au 25 rue
Saint-Ferréol, sur l’ancien emplacement de l’hôtel
et café parisien de Madame Reynier. Etienne, cri-
tique d’art et de musique, tenait à la fois la plume et
la casserole. Membre de l’Académie de Marseille
et beau-père de l’avocat et maire de la ville, Félix
Baret, il donna pendant plus de vingt-cinq ans un
lustre particulier à son établissement, rendez-vous
des notables civils et militaires, parisiens, provin-
ciaux et étrangers de passage à Marseille.
La rue des photographes
Au chapitre des nouveautés participant à l’élan de
modernisation qui frappa Marseille autour de 1840,
l’apparition de la photographie, grâce au daguer-
réotype, allait profondément marquer l’histoire
de la rue Saint-Ferréol et plus largement de son
quartier. Dès 1839, la presse locale se fait l’écho
des premières photographies prises à Marseille
par Horace Vernet. Quincaillier, vendant aussi
«des jouets pour les marmouzets»
, Jean Joseph
Raymond Desmonts expose en 1842 dans sa
vitrine du 46 rue Saint-Ferréol une vue du quartier
Saint-Jean, des portraits de groupes : «Joueurs de
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ETABLISSEMENT COLLÉ ET VERANE AU 14, RUE SAINT-FERRÉOL.
© COLLECTION ANDRÉ ET GISELLE RAVIX