Trente-six équipes d’une tren-
taine de mariniers et de plu-
sieurs bateaux chacune font
le service entre Arles et Lyon.
Passé 1836, la situation chan-
ge avec le développement de
la vapeur, et, à peine dix ans
plus tard, une quarantaine de
navires à vapeur ont rem-
placé, en particulier pour la
remontée du fleuve, les an-
ciennes embarcations.
Dès les années 1820, sous la
Restauration, certains respon-
sables politiques, économi-
ques et industriels songeaient
à utiliser la voie naturelle de
la vallée du Rhône pour y éta-
blir une voie ferrée, ne serait-
ce qu’entre Lyon et la Médi-
terranée. Après l’échec de dif-
férents projets
(2)
, la lutte se
circonscrit à partir de 1841
(alors qu’il n’y a que 566 km
de voies exploitées à travers
tout le territoire français) en-
tre Paulin Talabot et Montri-
cher pour construire au
moins le tronçon Marseille -
Avignon. Car, si la descente
du Rhône entre Lyon et Avi-
gnon peut se faire désormais
assez rapidement par les ba-
teaux à vapeur (et même la
remontée), en revanche, au-
dessous d’Avignon, la naviga-
tion sur le Rhône est gênée
par de nombreuses interrup-
tions et ralentissements qui
rendent le chemin de fer in-
dispensable. Il faudrait abou-
tir rapidement car l’Autriche,
au même moment, équipe le
tronçon Vienne-Trieste, dans
l’espoir de détourner à son
profit le transit des marchan-
dises vers la Suisse et l’Alle-
magne, qui fait une partie de
la prospérité de Marseille.
Le pari de Monsieur
Talabot
Paulin Talabot
(3)
, polytech-
nicien, ingénieur des Arts et
Métiers et homme d’affaires
limougeaud, exploite déjà
avec l’appui de quelques
Marseillais les mines de la
Grand’Combe et a construit
la voie ferrée d’Alès - La
Grand’Combe - Nîmes -
Beaucaire (1839-1840), ap-
pliquant au développement
de ses mines les méthodes
utilisées par les frères Seguin
pour le bassin de Saint-
Etienne. Depuis 1841, il fait
ainsi arriver la houille du
Gard jusqu’à la région mar-
seillaise, mais à petite vitesse
à partir du Rhône. Dès lors, le
projet d’une ligne de chemin
de fer Marseille - Avignon
passant par Arles et reliée au
réseau languedocien par le
viaduc Trascon - Beaucaire
apparaît comme le prolonge-
ment naturel des activités que
Talabot a déjà initiées sur la
rive droite du Rhône.
Le projet deMontricher, autre
ingénieur, suisse celui-là, res-
ponsable au même instant de
la gigantesque entreprise du
LES TRAINS
Au début de
la Monarchie
de Juillet,
les transports
dans la vallée
du Rhône se font
encore de façon
traditionnelle :
par roulage
et par navigation
sur le fleuve.
10
(1)
Outre les journaux locaux du temps,
le Sémaphore, la Gazette du Midi, le Sud, le Nouvelliste, le Courrier de Marseille,
le Dimanche Illustré
et le numéro de
l’Illustration
du 29 / 01 / 1848 qui consacre 12 pages à l’inauguration de la ligne
Avignon / Marseille, on pourra consulter les articles de Félix Tavernier dans
le Méridional
des 12 et 26 / 01 / 1969 et
le chapitre de Pierre Galocher qui s’y rapporte dans
Marseille - Zig zags dans le passé
(II), Tacussel, 1989, pp. 37-50.
(2)
Au nombre de projets figurent celui de la Compagnie du chemin de fer latéral au Rhône par des banquiers parisiens
(pour Arles / Lyon) et ceux de Delorme (1832) et Boucher (1833). Le vœu du conseil général des Bouches-du-Rhône,
en 1833, pour une ligne Lyon / Marseille rencontrera l’opposition de Lyon qui avait peur par la soudure Paris / Lyon /
Avignon de perdre sa fonction de ville de transit et d’entrepôt et redoutait la ruine de la navigation à vapeur sur le
Rhône. Au contraire, les Marseillais réclamaient une liaison continue jusqu’au Havre et jusqu’en Alsace (selon Julliany
et Berteaut, entre 1841 et 1845). En 1835-1836, le projet Delavau, ingénieur en chef du cadastre à Paris, pour la ligne
Marseille / Lyon, prévoyait dans le tronçon Marseille - Avignon le tracé qui fut à peu près repris par Talabot… (Cf. Paul
Masson, «la formation du réseau de voies ferrées» dans l
es Bouches-du-Rhône, Encyclopédie Départementale
, T. IX, p.
726-766). Pour une mise au point générale sur les problèmes ferroviaires de cette époque, cf., par exemple, Yves
Leclercq :
Le réseau impossible 1820-1852
, Librairie Droz, 1987 (abondante bibliographie).
NOTES
CHEMIN DE FER
LES DÉBUTS DU
À MARSEILLE
(1)
Par Pierre Échinard
de l’Académie de Marseille