1852
Paulin Talabot était nommé directeur avec de lar-
ges pouvoirs. Le projet était ambitieux : la ligne
comptait sur ses 122 km (en fait 119 820 m non
compris l’embranchement vers la Joliette) plus
de difficultés à surmonter qu’une ligne ordinaire
dix fois plus longue. Elle nécessitait notamment
la réalisation de plusieurs grands ouvrages d’art
sur la Durance, le Rhône et les canaux proches
d’Arles, la traversée d’Arles et de Tarascon, la
pénétration d’Avignon et de Marseille, et
d’énormes travaux de terrassement pour mettre
les installations à l’abri des inondations. Mais
l’exploit le plus spec-
taculaire aux yeux des
contemporains devait
être le percement du
souterrain de la Nerthe
sur 4,620 km. Le plus
long existant en France
était alors «le percé»
(5)
de Rolleboise qui, sur
la ligne Paris-Rouen, n’avait que 2 642 mètres.
Le tunnel de la Nerthe resta le plus long de Fran-
ce jusqu’au percement, pour la ligne du TGV
Méditerranée, du tunnel des Pennes-Mirabeau
avec 7 834 mètres.
La construction fut menée avec célérité par Pau-
lin Talabot, secondé pour la direction des travaux
par Gustave Desplaces, un neveu de Seguin et
des Montgolfier, par Edmond Audibert pour les
services d’exploitation et Siméon Gaduel. Pen-
dant plusieurs années le chantier mobilisa des
milliers d’ouvriers et de techniciens, faisant naître
dans des zones normalement vides et désolées
des maisons d’habitation, des ateliers, des cafés,
des auberges, des boutiques et même un théâtre.
Vingt millions supplémentaires, au moins, étant
nécessaires à l’achèvement du projet, qui se
révélait plus coûteux que prévu, Talabot obtint
finalement en 1849 l’autorisation de l’Etat de
lancer un emprunt de 30 millions à 5 % d’intérêt
sur 33 ans. Le coût total de l’opération s’éle-
vait à quelques 82 mil-
lions de francs, soit
656 000 francs au ki-
lomètre ; chiffre con-
sidérable (les estima-
tions ordinaires étant
de 90 000 à 240 000
au km) qui s’expliquait par l’exceptionnelle dif-
ficulté des travaux (par exemple 6 millions de
mètres cubes de terre remués pour les terrasse-
ments). Cependant, la mise en service de la ligne
put se faire, pour l’essentiel, avant la Révolution
de 1848. En 1847, déjà, au fur et à mesure de
l’avancement des travaux, des tronçons avaient
été mis en exploitation. Le 9 septembre 1847, le
préfet des Bouches-du-Rhône et les conseillers
généraux avaient fait dans deux voitures et un
12
©CCIMP
(5)
Le vocabulaire de l’époque, comme le fait remarquer Augustin Brun dans «A l’aube des chemins de fer - Le premier départ
de Marseille au Rhône» extrait des
Mélanges Géographiques
offerts à E. Bénévent en 1954, n’avait pas encore intégré toute la
terminologie ferroviaire. Le mot tunnel n’est jamais employé, en parle de souterrain ou de percé ; le mot station est plus souvent
utilisé que celui de gare, l’express n’existe pas, on dit «convoi direct», etc…
NOTE
L’exploit le plus spectaculaire
aux yeux des contemporains devait être
le percement du souterrain
de la Nerthe sur 4,620 km.
La gare
Saint-Charles
est terminée