l’utilité d’un embranchement Rognac - Aix greffé
sur la ligne Marseille - Avignon, mais l’au-
torisation de construire la ligne restait sans ef-
fet
(14)
. Les Toulonnais, pour leur part, se félici-
tent de l’arrivée du chemin de fer àMarseille, mais
c’est aussitôt pour réclamer un prolongement de
65 km vers Toulon, en avançant des raisons stra-
tégiques (relier plus facilement au reste du pays
le principal port militaire français en Méditer-
ranée) et commerciales (ébaucher la liaison vers
Gênes et, plus loin, l’Italie méridionales)
(15)
.
Le Sémaphore
de Marseille, lui, exulte :
«Deux
heures suffisent pour laisser à vingt et une lieues
derrière soi le clocher des Accoules et pour se trouver
en présence des consuls et du cloître de Saint-
Trophime ; n’est-ce pas là le signe d’une révolution
prochaine dans nos habitudes, dans notre manière
d’être, dans les conditions d’existences de popula-
tions pour lesquelles les distances se trouvent ainsi
effacées et dont les rapports vont se multiplier à
l’infini ? …»
(16)
.
L’exploitation publique de la ligne commencera
le 16 janvier 1848 avec quatre départs dans cha-
que sens : trois omnibus faisant toutes les stations
en 4 heures 30 - 9 heures, y compris les haltes et
l’omnibus de Rognonas-Avignon, et un train «di-
rect» faisant la ligne en 3 heures. Dans sa pre-
mière semaine, le Marseille-Avignon va transpor-
ter 7 758 voyageurs, 7 449 dans la deuxième,
9 587 pour la troisième : c’est un indéniable suc-
cès pour ne pas dire un véritable engouement.
Le 31 janvier, le train du soir reste en panne parce
qu’il a fallu ajouter quatre wagons (de trop !) au
Pas-des-Lanciers pour transporter une cohorte
de chasseurs (l’histoire ne dit pas s’ils allaient à
Tarascon !).
Le bilan d’exploitation pour l’année 1848 an-
nonça 671 218 voyageurs : un remarquable ré-
sultat, qui n’empêcha pas en ces temps de crise
la société du Marseille-Avignon de se retrouver
à bout de ressources…Active et bien gérée, mais
défaillante à cause de son endettement, la Com-
pagnie finit par fusionner en juin 1852 avec la
ligne Lyon-Avignon, nouveau maillon de
l’empire ferroviaire de Paulin Talabot en direction
de la capitale, en attendant le PLM, le raccorde-
ment des différents tronçons et l’unification des
diverses compagnies antérieures
(17)
. Alors seu-
lement, l’enthousiasme manifesté par
le Séma-
phore
au lendemain de l’inauguration du tronçon
Marseille - Avignon prit tout son sens :
«Oui, plus
on réfléchit à l’avenir de la magnifique création du
chemin de fer, plus on se persuade que la journée du
9 janvier, malgré la plus pluie, le froid, la neige,
l’inclémence du ciel, est une des plus belles que Mar-
seille ait jamais inscrites dans ses annales»
(18)
.
17
(14)
La liaison ferroviaire avec Aix, à partir d’un embranchement à Rognac sur la ligne Marseille - Avignon ne fut inaugurée
que le 10 octobre 1856. Restait encore à ouvrir une ligne plus directe.
(15)
Après la ligne Marseille - Aubagne, inaugurée le
20.10.1858, la liaison Aubagne - Toulon fut ouverte le 3.05.1859.
Le Sud
du 3.02.1848 reproduit un long article du
Toulonnais
sur la nécessité du chemin de fer Marseille - Toulon.
(16)
Le Sémaphore
du 10.01.1848.
(17)
Voir, entre autres, Albert Ménadier :
La Compagnie des Chemins de Fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée
, Paris, Hachette, 1908.
(18)
Le Sémaphore
du 10.01.1848.
NOTES
Le viaduc des Riaux,
chemin de fer
d’Avignon à Marseille
©BMVR
1848