Lors de la consécration du nouveau lieu de culte
par l’évêque Belsunce, le 3 mai 1740, la rue était
totalement percée et pavée, mais il avait fallu
attendre la fin de l’année 1708 pour que la cession
d’un terrain par Simon Chabert permette l’ouver-
ture de la portion comprise entre la rue Pavillon et
la Canebière
(4)
. A l’origine, les gros propriétaires
fonciers locaux étaient les frères Joseph et Ray-
mond Rousson, qui avaient notamment créé un
jeu de mail entre les rues Vacon et de la Darse
(Francis-Davso), et la famille de Marle / Venture
plus au sud. Ils lotirent leurs terrains à partir de
1680 et durant les deux décennies suivantes. Des
immeubles s’élevèrent alors rapidement et notam-
ment aux confluents des rues perpendiculaires à la
rue de Rome (des Chartreux [Rouget de Lisle], de
la Glace, Vacon, Pisançon, de la Darse, Grignan),
elle-même en cours d’extension depuis le cours
Saint-Louis.
MAISONS DE CARACTÈRE
Une maison typique des origines, et sans aucun
doute la doyenne actuelle de la rue, se trouve au
carrefour nord-est de la rue Francis-Davso. Il est
facile de la dater puisqu’elle porte sur sa façade
principale des fers de soutien formant le nombre
1692. En 1913, Henri Dobler décrivait ainsi son
décor :
«L’angle sur la rue de la Darse est consti-
tué par deux pilastres vigoureusement cannelés
avec d’admirables chapiteaux corinthiens qui sont
raccordés au toit par une petite frise à rinceaux et
une curieuse gargouille… seul[e] de son espèce à
Marseille.»
(5)
Bâtie par le maître menuisier Pierre
Maurin (1656-1726), époux en 1678 de Marguerite
Blanc, fille de rentier qui lui apporta 3 000 livres
de dot, la maison doit probablement la présence
de cet ornement de bois sculpté à la profession
–et peut-être à la main même– de son comman-
ditaire
(6)
. Elle passa ensuite à Joseph, fils aîné
de Pierre, et sortit de la famille Maurin avant la
Révolution pour entrer dans celle des Magniol / de
Taurenne qui y établit un hôtel de voyageurs
(7)
,
puis aux frères Fabry et à leurs descendants
(1825-1910).
Un immeuble Louis XV, situé à l’angle sud de la
rue de la Glace, est cité par Dobler pour son balcon
cintré à la
«ferronnerie fort séduisante»
, supporté
par des consoles de pierre
«d’un très beau travail
et d’un style excellent»
, mais il a cédé la place à
une banque au siècle dernier
(8)
. Des maisons
de la même époque se dressent toutefois encore
du côté opposé, entre les rues Pavillon et Vacon.
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MAISON MAURIN (1692) AVEC SON PILASTRE D’ANGLE ET SON ARÊTIER SCULPTÉ EN FORME DE LION ACCROUPI.
© VILLE DE MARSEILLE - FRÉDÉRIC DADENA
© VILLE DE MARSEILLE - FRÉDÉRIC DADENA
NOTES
[4]
L’empiétement de la maison du marchand de faïences Jean-Louis Celles, au débouché sur la Canebière côté est (actuelle boutique
Orange
après avoir été longtemps une bijouterie), dut même être revu à la baisse, lors de sa construction en 1751 au sein du «pâté Puget», pour
permettre l’alignement exact de la rue (A. Fabre,
Les Rues de Marseille
, t. IV, p. 194).
[5]
Henri Dobler,
Les vestiges des architectures et des arts
décoratifs provençaux… à Marseille
, 1913, p. 22, 24, 27, 37. Une poutre cornière semblable (au lion) se trouve au domaine Surian, 45, rue de la Paix-
Marcel Paul.
[6]
La généalogie de l’immeuble peut-être remontée grâce à l’acte de partage entre les frères Maurin en 1728 (A.D., 351 E 1109) et
par la vente de la maison mitoyenne de la rue de la Darse en 1700 (359 E 134, f°517).
[7]
Hôtel du Pérou qui fut le théâtre de la chute tragique d’un
adolescent en 1822 (cf. Julie Pellizzone,
Souvenirs
, t. II, 2001, p. 374. Le peintre Étienne Moulinneuf, père de Julie, possédait une maison à l’angle
sud-ouest du carrefour, soit presque en face).
[8]
H. Dobler,
op. cit.
, p. 38, 74 : hôtel Demandolx-Dedons, remplacé par l’immeuble de la Compagnie
algérienne (Henri Ebrard, 1915-1917), puis de diverses banques, et l’actuel magasin
Mango
, n°17.