La «porte de France»
Et si Paris n’avait plus de Tour Eif-
fel ? Faudrait-il la réinventer ?
C’est sans doute le même genre de
question que se posèrent les Mar-
seillais en septembre 1945 quand
une dernière explosionmit fin aux
vestiges de leur pont à transbor-
deur déchiqueté un an plus tôt, au
moment de la Libération de Mar-
seille. La question ne pouvait pas
sérieusement se poser en termes
d’utilité : les heures les plus glo-
rieuses étaient passées depuis déjà
longtemps. Mais en matière de
symbolique et d’esthétique de la
Modernité, sa renommée était in-
ternationale comme l’attestent les
nombreuses oeuvres artistiques
inspirées par ce signal monumen-
tal qui, pendant quarante ans, fut
porteur de l’identité marseillaise.
Parfaitement documenté et struc-
turé (architecture oblige), le livre
signé Patrick Langer nous fait par-
courir dans le détail les diverses
étapes de la conception, de la réa-
lisation et de la vie du «Tranbor-
deur», sans oublier les réactions de
la presse, de l’opinion publique,
des artistes face à cette construc-
tion baroque du XX
e
siècle ; sa
phase de triomphe, puis le désa-
mour relatif des Marseillais, qui
s’amorce dès les années 30, alors
ses formes arachnéennes conti-
nuent à fasciner les esthètes. Car-
tes postales, photos d’art, peintures
multiples et variées, mais aussi té-
moignages de contemporains
ponctuent cette heureuse évoca-
tion qui croise la première moitié
de l’histoire marseillaise du XIX
e
siècle.
P. E.
Le pont à transbordeur
La porte de France à Marseille
Par Patrick Langer
Ed. Actes sud
2006, 183 pages., 25 euros.
126
Une place au soleil
Marseillais de naissance, Corse
d’origine, émule du Péano, peintre
des paysagesméditerranéens enso-
leillés, ceux de Marseille, du litto-
ral comme de l’arrière-pays pro-
vençal, de sa Corse ancestrale,
mais aussi ceux d’Espagne et de
Portugal, d’Italie, de Tunisie, de
Grèce –partout où les contrastes
de couleur et de lumière frappent
le visiteur de saisissement et
d’émerveillement–, Jean-Claude
Quilici s’est fait une confortable
place au soleil, faut-il dire aux «su-
nlights» des galeries nationales et
internationales de peintures, no-
tamment celles de New-York, du
Japon et de Singapour, où il est
l’ambassadeur lumineux de notre
universméditerranéen. Le superbe
album (grand format 38/28), ha-
billé d’un boîtier et préfacé par
Jean-René Laplayne que lui consa-
crent les Editions Crès n’est pas
une nouvelle monographie de
l’artiste, mais, plus simplement, ré-
partis en six séquences (Provence,
Corse, Ibérie, Grèce, Tunisie, Nou-
veau Monde), les témoignages
«pleine page» de son art présent,
celui des années 1990 et 2000.
P. E.
JC. Quilici
préf. Jean-René Laplayne
Ed. Crès, 2006
«Explorer» Marseille
Un jeune homme de 21 ans, natif de
Paray-le-MonialetpasséparParis,dé-
couvre en 1854 Marseille où il vient
prendre son poste de commis des
douanes. Aussitôt entré en relation
avec le milieu journalistique, Marius
Chaumelin donne en feuilleton à la
Gazette du Midi
une série de Prome-
nades artistiques autour de Marseille
qui révèlent des qualités littéraires
nourries d’une évidente culture,mais,
surtout, unamour et une curiosité in-
satiables pour la nature qui trouvent
facilement à s’exprimer à propos de
cette «ville à la campagne» qu’est en-
core Marseille en dépit des gigantes-
ques travaux qui ont entrepris de
l’étendre.L’enthousiasmeetlelyrisme
romantiques du jeune écrivainont tôt
fait de transformer quelques-unes de
ces promenades en de véritables ex-
plorations, dangereuses, fatigantes
mais ô combien exaltantes à travers
les collines et les calanques de la péri-
phérie marseillaise. Mais il s’attarde
aussi à cerner quelques-unes des in-
nombrables bastides qui jalonnent le
terroir avec l’intention de chanter les
mérites de leurs propriétaires. Les bâ-
tisses plus officielles ne sont pas
oubliées…Au total, c’est un véritable
guide du terroirMarseillais aumilieu
du XIX e siècle que Chaumelin a mis
sur pied à l’occasionde ses pérégrina-
tions. La présente parution regroupe
ses Promenades au Sud de la ville, du
massif de Saint-Loup auxCalanques,
en attendant ses escapades vers l’Est
et vers leNord. Outre uneméticuleu-
se restitution du texte, les notes d’ori-
gine sont heureusement complétées
par celles de Georges Reynaud, ex-
ceptionnel connaisseur de l’histoire
topographique de Marseille, qui a
également reconstitué avec précision
les itinéraires suivis parChaumelin et
propose une riche iconographie
d’époque qui est souvent l’ultime té-
moindesites,d’unenvironnementou
de monuments aujourd’hui disparus
ou dégradés.
P. E.
Promenades artistiques autour
de Marseille, du massif de Saint-Loup
aux calanques (1854)
Par Marius Chaumelin, introduction
et mise à jour par Georges Reynaud,
Ed. Alan Sutton, 2006, 160 pages +
16 pages d’encart couleur, 23 euros.